A « tiers-mondophile » awareness and its ambiguities (1968-1998) : Towards a geographical and epistemological decentering of architectural teaching in France
Une mouvance « tiers-mondophile » et ses ambiguïtés (1968-1998) : Vers un décentrement géographique et épistémologique de l’enseignement de l’architecture en France
Résumé
Two « events » marked France during the 1960s: the independences, of which the Algerian War was the ultimate mournful banner, and the worker and student revolt of May '68. Linked in a complex and perhaps paradoxical way, they gave rise in the following decades to a « tiers-mondophile » awareness —more than just a third-worldist movement —within the field of architecture. While travel and the discovery of the 'Elsewhere' were already common in the 19th century for the training of architects, the interest in non-Western countries contributed to the renewal of the French discipline, which was then in crisis, due both to the fascination inspired by their past architectures and the questions raised by their future development. For nearly three decades, different groups of teachers dedicated their pedagogical and scientific activities to this geographical area with boundaries as vast as they were vague, developing various theories, methods, and tools, in light of the multiplicity of their ideological and political positions. This thesis aims to map this movement, understood as a whole, as well as to portray these teachings, revealing the uniqueness of each, in order to show that they supplemented the geographical decentering initiated in the previous century with an epistemological decentering, of which the Ecoles nationales supérieures d’architecture remain the heirs to this day. From the genesis of these teachings during the 1960s-1970s and their organic relationship with the policy of Cooperation, theories were developed within the UP (now ENSA) as well as a complex relationship with the notion of otherness. And, while the turn of the 1980s-1990s coincided with a brief golden age, it was followed by a decline in interest in these countries. Through this chronological sequence, we also sought to explore the question of the ambiguity of ethnocentrism and hegemonism over the course of these teachings and the epistemological decentring they initiated.
Deux « évènements » marquèrent la France durant les années 1960 : les indépendances, dont la guerre d’Algérie fut l’ultime funèbre étendard, et la révolte ouvrière et étudiante de Mai 68. Liés d’une manière complexe et peut-être paradoxale, ils firent naître dans les décennies qui suivirent une mouvance « tiers-mondophile » - plus qu’un mouvement tiers-mondiste - au sein de la discipline architecturale. Si le voyage et la découverte de l’Ailleurs étaient déjà d’usage au XIXème siècle dans la formation des architectes, l’intérêt pour les pays non-occidentaux participa au renouveau de la discipline française qui se trouvait alors en crise, autant en raison de la fascination qu’inspiraient leurs architectures passées qu’au travers des questions que posait leur développement futur. Durant près de trois décennies, différents groupes d’enseignants consacrèrent leurs activités pédagogiques et scientifiques à cette aire géographique aux limites aussi vastes que floues, développant divers théories, méthodes et outils, au regard de la multiplicité des positions idéologiques et politiques de ceux-ci. Cette thèse propose de dresser tant une cartographie de cette mouvance, comprise dans son ensemble, que le portrait de ces enseignements, en révélant la singularité de chacun, afin de montrer qu’ils doublèrent le décentrement géographique amorcé au siècle précédent par un décentrement épistémologique, dont les Ecoles nationales supérieures d’architecture demeurent de nos jours les héritières. De la genèse de ces enseignements au cours des années 1960-1970 et de leur relation organique avec la politique de Coopération, il en fut issu des théories développées au sein des UP (aujourd’hui ENSA) ainsi qu’un rapport complexe à la notion d’altérité. Mais tandis que le tournant des années 1980-1990 coïncida avec un bref âge d’or, il fut suivi d’un déclin de l’intérêt pour ces pays. Avec cette séquence chronologique, c’est aussi la question de l’ambiguïté de l’ethnocentrisme et de l’hégémonisme que nous avons voulu explorer au fil de ces enseignements et du décentrement épistémologique qu’ils initièrent.
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